dimanche 28 mai 2017

Les doubles couteaux dans les arts martiaux en Chine du sud [partie 10]

Partie 1Partie 2Partie 3Partie 4Partie 5Partie 6Partie 7Partie 8Partie 9Partie 10Partie 11

Texte de Benjudkins, traduit et adapté par Véronique

Intéressons nous enfin aux bat zaam dou de Yip Man. Dans une interview récente Yip Ching, son fils, confirma que son père n’a jamais emporté une paire de hudiedao fonctionnels à Hong Kong quand il a quitté Foshan en 1949. Au contraire, il emporta une paire d’épées en bois de pêcher. Ce sont ces “épées” qu’il utilisa quand il établit le wing chun à Hong Kong dans les années 50 et posa ainsi les fondements de sa future expansion.

 
Bien que certaines versions en bois soient plus correctes que d’autres, elles ne seront jamais une représentation exacte de ce qu’elles devraient être. Il est logique aussi qu’en 1949 Yip Man n’avait pas réellement besoin d’épées en acier. Il n’était ni un gangster ni un membre des triades. Il n’était pas un artiste d’Opéra. En tant qu’officier de police il portait une arme à feu et était parfaitement conscient de ce que violence des rues voulait dire.

Une paire de hudiedao en bois, ce ne sont PAS ceux de Yip Man

Ip man avait été, et souhaitait redevenir, un homme de loisirs. Il était bien éduqué, sophistiqué et urbain. Plus que toute autre chose, il se voyait comme un gentilhomme confucéen, et en tant que tel il était plus disposé à exposer une œuvre d’art dans sa demeure plutôt qu’une arme mortelle.

Les épées en bois de pêcher ont une signification très importante en Chine (le pêcher est originaire de Chine et la pêche est symbole d’immortalité), qui va au delà de l’aspect sécurité quand on les utilise pour les arts martiaux. Les sceaux dont se servent les prêtres taoïstes pour imprimer leurs talismans-amulettes étaient d’habitude faits en bois de pêcher. Ils utilisaient aussi des épées en bois de pêcher pour chasser les démons. Dans une version de l’histoire de la destruction du temple shaolin, les cieux envoient une épée en bois de pêcher aux survivants shaolin et ils s’en servent pour tuer des milliers de leurs poursuivants Qing.

Ip Ching raconte aussi que plus tard l’un de ses étudiants prit ces armes en bois et en fit une réplique exacte en aluminium. Plus tard encore il en fut fait une copie avec une lame en acier inoxydable et une garde en aluminium (qui par la suite devint une garde en laiton). Mais malgré tout cela je pense qu’il y aurait beaucoup à dire sur l’aspect symbolique du bois de pêcher.

La vision populaire des hudiedao comme arme d’artistes martiaux, rebelles et pirates doit toutefois être un peu modifiée. Ces lames symbolisent également les forces de la loi et de l’ordre. Elles étaient produites par milliers pour le gouvernement et payées avec les impôts du peuple. Ceci était un choix raisonnable car en fait une bonne partie des miliciens avaient une expérience de boxe chinoise et cela devenait très simple de les entraîner à tenir et utiliser ces armes.

Cela change aussi ce que l’on pensait quant aux arts martiaux de cette région. Par exemple les deux armes qu’on apprend à maîtriser en wing chun sont le bâton long et le bat zaam dou. On dit en général que ce furent les armes des moines shaolin voyageurs, ou celles de groupes rebelles secrets qui voulaient lutter contre les gouvernements locaux. Le fait qu’on puisse aisément cacher ces lames convient bien à ces versions de l’histoire.

A la lumière de nos nouvelles connaissances du sujet il s’avère que ces deux armes classiquement enseignées dans le wing chun sont en fait des armes des milices de la région Chine du Sud Est. Le combat au bâton long n’est jamais qu’une étape dans l’apprentissage de l’utilisation sophistiquée d’une lance. Et en tant que bâton il peut être enseigné à un paysan milicien.
Nous savons aussi maintenant que les couteaux papillon furent l’arme la plus commune pour les soldats paysans durant le milieu eu XIXème siècle dans le Delta de la Rivière des Perles. 
La première apparition historiquement vérifiable du wing chun à Foshan se situe dans les années 1850/60. Cette importante ville commerciale est littéralement située au centre du mouvement milicien dirigé par les gentilshommes du Sud. Ce fut là qu’eurent lieu d’intenses combats en 1854/1856 et d’autres conflits futurs se profilaient à l’horizon.

Nous n’avons aucun preuve que Leung Jan (1826-1901) fut un révolutionnaire secret. Il était un homme d’affaire renommé. Leung Jan commença à pratiquer dans les années 1840, apprenant cet art des King Fa Wui Goon Opera Troupe et plus particulièrement, dit on, de Leung Yee Tai.
Il y a toutefois des raisons tout à fait logiques au fait que l’art martial qu’il développa permit à des individus très éduqués et riches d’entraîner un groupe de personnes à l’utilisation du bâton long et des hudiedao. Le wing chun contient tout ce dont on peut avoir besoin pour lever et entraîner une unité milicienne.
L’évolution du wing chun fut fortement influencée par l’histoire de l’activité milicienne de cette région mais aussi par l’éducation miliaire encadrée par le gouvernement. Je ne serais pas surpris de découvrir qu’il en fut de même pour d’autres arts martiaux du delta de la Rivière de Perles à la même époque.
____________________

Pour me retrouver sur Facebook, il vous suffit de cliquer sur le logo ci-dessous puis de cliquer sur “J’aime” pour rejoindre ma page !

https://www.facebook.com/Passion-Wing-Chun-1159015210946904/?ref=br_rs

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire