dimanche 18 juin 2017

Les origines nautiques du mannequin de bois [partie 1]

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Partie 1 Partie 2 Partie 3

D’après un article de Ben Judkins, appuyé dans ses travaux par ceux de :

Barbara E. Ward à qui nous devons “The Red Boats of the Canton Delta : A Historical Chapter in the Sociology of Chinese Regional Drama” qui a été l’une des sources de Ben Judkins et donc l’une des miennes.

Le docteur Hans K. Van Tilburg, coordinateur de l’héritage maritime au sein de la National Oceanic and Atmospheric Administration pour son expertise concernant l’architecture des vaisseaux chinois du XIXe siècle, lui aussi l’une des sources de Ben Judkins et donc lui aussi l’une des miennes.
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Il est difficile de réfuter la grande popularité du mannequin de bois utilisé par Yip Man, ainsi que par Bruce Lee qui a contribué à celle-ci. Ainsi cet outil est devenu un symbole des arts martiaux de Chine du sud, faisant à la fois partie de la culture, mais aussi de l’héritage de ceux-ci. Il est intéressant de se poser la question de ses origines.

A quel point le mannequin que nous connaissons a évolué et à quel niveau apparait-il dans l’Histoire du wing chun. Les histoires les plus romantiques le font apparaître seulement à la fin de la dynastie Qing (entre les XVIIIe et XIXe siècles) et le fait que nous n’ayons aucune preuve d’une utilisation plus ancienne de ce type de mannequin de bois laisse penser qu’il aurait pu apparaître à cette période.
 
  • Une origine nautique
Il est très difficile d’établir avec certitude le moment où est apparu le mannequin de bois sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Concernant les origines du wing chun, nous disposons de quelques sources concrètes et celles sur l’évolution du mannequin de bois sont encore plus rares.
Le peu d’éléments à notre disposition rend ainsi difficile toute affirmation et à moins que dans les années à venir une découverte majeure ne soit effectuée sur le sujet, nous en resterons encore longtemps au stade des spéculations. Ce n’est d’ailleurs pas très différent de l’archéologie expérimentale.

Une théorie sur l’origine du mannequin de bois a retenu mon attention et nous allons la développer ici.

Beaucoup de pratiquants de wing chun considèrent que le mannequin de bois était déjà utilisé durant la période des compagnies d’opéra des jonques rouges. Ces troupes voguaient sur les eaux du delta de la rivière des perles entre 1870 et 1938 sur des jonques spécialement conçues pour elles.
Certains récits placent l’origine des jonques rouges aussi loin que les années 1850 mais en raison du bannissement des opéras mis en place suite à l’échec de la révolte des Turbans Rouges, Barbara Ward conclut que les jonques n’ont pas été chose commune avant les années 1870.
La tradition des jonques rouges ne semble d’ailleurs pas avoir survécu à l’ère post seconde guerre mondiale. Durant cette période prospère, les performances d’opéra devinrent un business suffisamment rentable pour être hébergées dans des théâtres et l’ancienne tradition nautique faut abandonnée.

Certains étudiants de wing chun qui voient l’opéra Cantonais comme un lien majeur dans la transmission de leur système considèrent que les mannequins de bois faisaient partie intégrante du gréement des jonques ou étaient montés sur la flotte de jonques rouges, les jonques ayant été spécialement construites pour les troupes d’opéra et majoritairement uniformes. Les étudiants en opéra auraient alors utilisé les mannequins de bois pour leur entraînement aux arts scéniques, mais également pour améliorer leur wing chun. Les jonques rouges sont souvent imaginées comme des écoles d’arts martiaux flottantes.

Les artistes martiaux ne sont pas les seuls à perpétuer cette image, en effet le Cantonese Opera Museum de Foshan contient de nombreuses références quant au rôle traditionnel du mannequin de bois dans l’entraînement aux arts scéniques. Le musée exhibe même une maquette (historiquement incorrecte) d’une jonque rouge classique qui possède un mannequin de bois installé sur le pont arrière :


Le musée dispose également dans sa collection d’un mannequin enterré, le type de mannequin traditionnel avant les années 1950. La description du musée explique que frapper le mannequin de bois faisait partie de l’entraînement pour tous les nouveaux étudiants en opéra. Ainsi peut-on se poser la question suivante : le mannequin de bois utilisé en wing chun est-il un héritage des jonques rouges et / ou d’autres traditions d’opéra ?

C’est possible mais il y a quelques problèmes avec cette théorie. Celle-ci nécessite d’être examinée précautionneusement. Pour commencer, cette histoire n’explique en rien l’origine de notre outil d’entraînement, en fait le problème n’est que repoussé un peu plus loin. Ensuite un certain nombre de questions pratiques apparaissent lorsqu’on essaye de placer un mannequin de bois dans le contexte de ce que nous savons des jonques d’opéra.

Pour commencer, la plupart des récits relatant l’utilisation du mannequin de bois sur les jonques rouges ont été enregistrés après 1980, dans la période post Bruce Lee, lorsque le wing chun était déjà en train de gagner en popularité. De plus lorsqu’on regarde le travail de Barbara Ward qui a interviewé des centaines d’artistes d’opéra, ainsi que de membres du public dans la période post seconde guerre mondiale : aucun ne semble se rappeler de mannequins de bois sur les jonques. Ward n’a d’ailleurs pas inclus les mannequins dans sa reconstitution des vaisseaux qui est l’une des plus détaillées et fiable dont nous disposons.

Des problèmes plus basiques encore apparaissent lorsqu’on considère la vie sur les jonques. La troupe d’opéra et le personnel naviguant étaient épouvantablement à l’étroit et la situation était encore pire avec tous les costumes et le matériel qu’il fallait transporter d’un lieu de performance à l’autre. Les membres des jonques rouges survivants qui ont été interviewés par Ward ont tous expliqué qu’il n’y avait pas d’entraînement à bord, d’aucune sorte. Il n’y avait tout simplement pas assez de place pour bouger.
Il n’y avait de toute façon aucune nécessité de s’entraîner à bord. Les jonques rouges n’ont jamais été des vaisseaux faits pour les eaux profondes et les longs voyages. Ces barges de rivière allaient de ville en ville pour leurs performances. La pratique et l’entraînement avaient lieu à terre.

Il y a donc peu de chance que des mannequins de bois aient été montés à demeure sur le pont des jonques. Ceux-ci auraient été dans le chemin de l’équipage lorsque le bateau aurait été en mouvement et au mauvais endroit si les entraînements se passaient à terre.
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3 commentaires:

  1. C'était des embarcations à voiles?
    Le mât serait là de toute façons qu'on l'utilise comme mannequin de bois ou pas.

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    1. Je me suis déjà beaucoup entrainer avec le mât d'un navire pendant de longs quart.

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    2. Les jonques rouges avaient effectivement des voiles. En revanche ce n'est pas le mât qui était utilisé comme mannequin de bois selon la théorie développée dans cet article :).

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